Happy birthday to me.
Me voilà, à l'age christique (et critique), cherchant l'inspiration pour mettre en jolie forme toutes ces choses que je veux te dire.
En cadeau d'anniversaire à moi même, je vais te raconter ta genèse. Quelques mots sur le début de toi.
Des mots pour résumer l'amour que nous avons pour toi. La joie que nous avons eu de t'accueillir. Le bonheur de te regarder grandir, trop vite, mais tellement bien.
Des mots pour te dire comme nous t'avons attendu, espéré, désiré, pour que tu pointes ton nez au moment ou nous avions enfin lâché l'affaire.
Un miracle.
Pour t'expliquer depuis le début, je me vois, à Dreux, noël 1997, dans un lit d'hôpital, pour un kyste bizarre à l'ovaire droit. Anesthésiste paniqué par le sang que je perds dans la bouteille en verre reliée à mon ventre par un drain. Le chirurgien : "ce n'est pas grave. Vous avez une endométriose, continuez la pilule et ça ira tout seul". Trois trous dans le ventre, et me voilà avec un beau couperet au dessus de la tête, dans l'indifference du foreur de ces trous, trop occupé par sa campagne municipale (qu'il a perdue, bien fait pour lui.)
La suite des évènements : personne dans mon entourage ne sait ce qu'est une endométriose. Et le corps médical, qui a l'air de penser que la pilule ne suffira pas, me dit que pour faire des enfants, ça va être vraiment compliqué.
Là, j'ai su que je voulais vraiment des enfants. A tout prix.
Pas d'internet à grande échelle à l'époque, donc pas de forum inquiétant ou de wikipédia du même acabit. Je reste dans les doutes, mais au moins maintenant si je suis pliée en deux tous les mois, ce n'est plus dans ma tête de chochotte. Y'a vraiment un truc qui cloche!
Orléans. A la fac, vais voir le gynéco du campus, qui me propose un traitement hormonal ou une ménopause artificielle. La ménopause en question n'étant pas forcément réversible, allons y pour le traitement.
Toujours mal, me met en plus à gonfler de partout, je me met donc au régime de toutes mes forces.
Peine perdue.
30 kg en rab plus tard, j'arrete le traitement de l'apprenti sorcier et ne peux que constater les dégâts. Mon généraliste me dit que c'est le moment idéal de faire un enfant, 25 ans, au sortir de ce traitement.
Ce fut un NON catégorique du monsieur Emeline de l'époque.
Paris, décembre 2009. Ton père et moi voulons essayer. Nouveaux trous dans le ventre, on y nettoie le chaos maladif et on vérifie que tout passe bien (les joies de l'hystérographie, parait que c'est atrocement douloureux, moi j'y ai heureusement eu droit sous anesthésie générale)
Rien.
Mai 2010 : voyage au bout du monde pour se détendre, doublé d'une stimulation ovarienne.
Rien.
Juin 2010 : Ta tante Solène tombe enceinte, nous sommes sonnés, on va au clash.
Toujours rien.
Nous entamons une Procréation Médicalement Assistée, sur le conseil de mon gynéco de ville. (Un personnage haut en couleur soit dit en passant, misogyne au possible, qui a bien retenu la tête d'Alexis mais pas la mienne...)
Scandales à l'hôpital Bichat pour obtenir un rendez vous dans moins de 10 000 ans (débordés, qu'ils sont) pour éviter que je me fasse réopérer pour rien.
Octobre 2010 : rendez vous avec le gynéco de la PMA. ça ne sert à rien de s'enerver, avec l'endométriose ça ne marchera pas. Proctole de fécondation in vitro en cours, on laisse passer un cycle, puis en décembre lors du second, on attaque le traitement.
soit une piqure par jour dans le ventre de décapeptyl pendant une trentaine de jours, pour bloquer le fonctionnement des ovaires, puis une quinzaine de jours après, déclenchement de l'ovulation en masse, donc autre piqûre quotidienne en plus de la première, puis prélèvement de tous ces beaux ovocytes au terme.
Don de semence par ton père dans les 48 heures, fécondation in vitro à proprement parler, implantation en moi, croisage de doigt et brulage de cierge, touchage de bois et j'en passe.
Décembre 2010 : Ton père et moi sommes assommés par les derniers mois, les examens préliminaires (on passe son temps à faire des prises de sang pour montrer qu'on a pas le sida et autre joyeusetés dans ces protocoles), notre couple tient bon, mais ça n'est pas facile. On se retrouve, puisque sans la médecine ça ne marchera pas, donc la pression diminue un peu.
Dernier passage à Bichat avant d'attaquer le traitement hormonal qui va encore une fois massacrer ma silhouette.
La sage femme me fait les prescriptions de produit, me donne un pack-piqûres-à-domicile, et au cas où, je lui demande une dernière prise de sang, pour vérifier en désespoir de cause que les hormones ne vont pas aller décrocher un embryon qui se serait égaré par là.
15/12/10
Je fais la prise de sang avant de commencer le traitement, les résultats arrivent par fax à mon boulot la veille du début des piqûres.
La sage femme me contacte pour faire le point:
"Là, votre taux de BêtaHCG est à 13. Le truc c'est qu'en dessous de 5, c'est sur que vous n'êtes pas enceinte. Au dessus de 25, pas de doute non plus, là vous êtes enceinte. Entre les deux, le résultat est "douteux"."
"Je fais quoi alors?"
"Commencez les piqûres, faites une nouvelle prise de sang demain matin, et selon les résultats, on avise. Si ça a doublé, pas la peine de faire le traitement!"
16/12/10
Nouveau passage au labo, puis métro boulot infirmière qui me montre comment me piquer et dodo.
Ton père et moi en plein ballottage, à vouloir y croire, mais à se dire que ça n'est pas possible, comment aurait-on pu arriver à ce que la médecine nous disait inimaginable?
17/12/10
Dans l'après midi, nouveau coup de fil de la sage femme au boulot.
62.
Le taux est à 62!
Elle me dit de tout arrêter et me félicite. Tu es là.
Je suis sonnée, incapable de travailler plus longtemps.
Le labo me faxe les résultats.
La support d'équipe me l'apporte.
J'espère qu'elle n'a pas lu ou pas compris, mais en fait, je m'en moque complètement.
Enfermée dans un box au boulot, j'appelle ton père, nous pleurons de joie. Il prévient sa famille.
J'appelle ta tante Maud qui saute au plafond et qui pleure un peu aussi.
J'appelle tonton Cube, tonton Lens, qui sont heureux, Lens danse même et se roule par terre.
J'appelle ton grand père François qui me dit une bonne dizaine de fois que "c'est très bien."
Je poste un "62!" sur facebook, que mes amis initiés à la situation ne manqueront pas d'interpréter.
Mes quelques collègues qui sont encore là ce vendredi soir de décembre comprennent exactement ce qu'il se passe.
L'un d'entre eux, Daniel, me dit de bien profiter de ce moment, et que je ne l'oublierais jamais.
De notre tour, je regarde le soleil se coucher sur Paris, et je me dis qu'il a raison.
Tu as été conçu à la remise de diplômes de ton père.
Quand enfin nous n'y pensions plus, nous, couple infertile.
J'adore faire mentir les médecins!...